Une élection au temps du coronavirus

Comme j'écris ce billet, je suis sorti enfin d'une quarantaine de dix jours, alors même que nos concitoyens ont reçu cette semaine leur matériel de vote. Et je ne veux pas mentir, cette situation est assez décourageante : le Conseil général était depuis le début notre véritable objectif, et il nous est impossible de faire campagne de manière satisfaisante… mais si vous le permettez revenons un peu en arrière, parlons de la genèse de notre démarche.

 

Nous étions quelques radicaux de cœur à nous retrouver par hasard à militer pour une alternative politique au sein de structures composites : Appel Citoyen au moment de l'élection constituante, les listes ouvertes du Centre-Gauche PCS au moment des élections fédérales. Dépités de longtemps face aux reniements du PLR, nous avons décidé que dorénavant nous nous présenterions sous notre propre bannière afin de redonner voix aux radicaux humanistes, héritiers de l'idéal émancipateur qu'avait si souvent pu incarner le PRD. Restait à savoir quand nous lancer, et les élections communales semblaient toutes désignées ; en particulier, la bataille pour Martigny pouvait devenir un symbole, qui depuis deux cents ans passe pour un bastion du progrès en terre conservatrice et où la proposition d'une autre forme de gouvernance, plus démocratique et sociale, nous semblait pouvoir trouver un accueil favorable.

 

Prévu pour le mois d'avril, le lancement de notre plate-forme a été différé par la première vague de coronavirus : l'urgence sanitaire paraissait devoir primer sur nos revendications. Nous nous sommes concentrés chacun sur d'autres choses qui nous tenaient à cœur (pour moi j'écrivais alors un roman) et jusqu'au mois d'août encore nous sommes restés dans l'expectative, convaincus que les élections, qui allaient coïncider avec la deuxième vague, se verraient repoussées — les votations fédérales de mai l'avaient par exemple été au motif de l'impossibilité de mener campagne convenablement. Car la deuxième vague était prévisible, pour cause elle était même prévue ! Seulement, puisque l'État décidait de maintenir son calendrier, nous nous y sommes pliés, et nous avons commencé de rassembler nos forces.

 

Ç'a été la course, en vérité. Tandis que nous cherchions des partisans et volontaires pour se présenter au Conseil général, une liste a été déposée pour le Conseil communal où nous avons convenu que je serais le seul candidat. Aucune annonce de notre part n'a précédé la validation de cette liste ; notre site ne serait lancé que quelques jours ensuite. Comme nous nous en sommes expliqués, la raison en était que nous voulions pouvoir être représentés lors des traditionnels débats… lesquels ne se sont finalement pas tenus.

Au lieu de ça, nous avons vu les journalistes, dans des formats de circonstance, tendre le micro aux présidents de commune, de véritables tribunes où ils étaient invités à vanter leur bilan, et avec pour seul contradicteur un membre de l'exécutif d'un autre parti (tenu par le principe de collégialité). À Martigny par exemple notre démarche n'a même pas été mentionnée, et la seule allusion qui y a été faite a permis à madame Anne-Laure Couchepin Vouilloz de disqualifier notre liste en l'assimilant à une division de l'Alliance de Gauche. Nous sommes finalement apparus brièvement à la télévision le temps d'un entretien de moins de deux minutes pour présenter nos ambitions… cinq heures après la fermeture des bureaux de vote pour l'élection du Conseil municipal.

La presse écrite n'a pas été moins maladroite : chaque semaine notre très chère présidente y apparaissait avec un casque de chantier et une pelle en train de présenter de grands projets initiés pourtant depuis plusieurs années. Un article intitulé « Les objectifs des indépendants », dont un quart nous était consacré, aurait bien pu s'appeler « Ce que les présidents de commune pensent des listes alternatives », puisqu'encore une fois la parole leur était donnée à part égale avec nous pour faire encore une fois eux-mêmes l'éloge de leur action.

J'ai conscience que c'est d'abord par responsabilité que les médias ont renoncé à animer la campagne selon les codes habituels ; c'est moins après eux que j'en ai qu'après les autorités cantonales d'avoir maintenu les élections malgré les conditions problématiques dans lesquelles elles auraient à se dérouler.

 

Certes, notre campagne aurait été difficile même en situation normale, du fait que nous n'avons de loin pas des moyens comparables aux partis en place : mais nous avons travaillé avec d'autant plus de ferveur, et nous avons mis d'autant plus de cœur à l'ouvrage que nous avions conscience de ces désavantages. Nous avons constitué une liste pour le Conseil général dont je suis extrêmement fier, et je ne crains qu'une chose : c'est que les circonstances, par lesquelles notre impact dans le débat public est limité, nous péjorent électoralement, et empêchent à nos idées de trouver une audience demain au Conseil général.

Si vous trouvez nos positions pertinentes et que vous pensez que nous serions utiles dans la gestion de la commune, alors aidez-nous : votez et faites voter la liste 5. Nous avons besoin de vous.

 
 
 
Antoine Conforti

Philosophe et historien spécialiste de l’Inde ancienne et médiévale, Antoine Conforti est cofondateur et président du Comité de Martigny.

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