Pourquoi nous ne présentons pas de listes aux élections cantonales
[…] nous renonçons à présenter des listes, et laissons aux vieux partis le soin de la République encore quatre ans, pour concentrer tous nos efforts dès aujourd'hui sur l'élaboration d'un programme régénérateur dont l'application demain nous sortira de l'impasse où nous ont conduits l'intérêt, la paresse et la corruption des dirigeants d'hier.
La crise qui nous frappe depuis près d'un an a mis en lumière les failles béantes de notre système et prouve s'il en était encore besoin l'urgence et la nécessité d'une régénération profonde de nos institutions. Et alors même que notre modèle de santé est à genoux, que le marché de l'emploi s'effondre et que la pauvreté explose, alors même que le dérèglement climatique est à son paroxysme, et que cependant de plus en plus de citoyens se désengagent du processus démocratique, les autorités cantonales ne cessent de se féliciter à tout propos, elles se flattent et se flagornent entre elles, sourdes aux alarmes du monde.
Cette situation exceptionnelle aurait dû être l'occasion d'un grand débat sur les transformations radicales dont notre État a besoin pour accomplir sa mission de justice sociale, de paix et de prospérité. À notre échelle, nous nous sommes battus pour mettre en avant de nouveaux modèles de gouvernance communale, et proposer une alternative au développement absurde qui a vu le nombre de logements vides augmenter de 3% en un an, pendant que le Conseil communal de Martigny ne trouvait rien de mieux à faire que de chercher à mettre à la rue les cinquante habitants de notre camping. Notre discours n'a pas intéressé la presse, qui après un été à se cacher derrière le coronavirus a bizarrement sauté sur la deuxième vague pour commencer d'organiser des rencontres en tête à tête entre des candidats aux diverses présidences… personnaliser, parler des gens, et surtout pas des actions à mener.
Et à présent que les élections cantonales approchent déjà de même il n'est question que de personnes, et que du Conseil d'État, déjà il n'est question que de sujets vagues, d'image et de politicaillerie. Nous faisons le pari que la campagne qui s'annonce ne sera pas différente, et que loin d'éclairer l'avenir elle ne saura que le renfoncer dans les pratiques du passé, et les évidences de ce régime finissant qui n'en finit pas de finir : nous ne participerons pas à cette comédie ; nous renonçons à présenter des listes, et laissons aux vieux partis le soin de la République encore quatre ans, pour concentrer tous nos efforts dès aujourd'hui sur l'élaboration d'un programme régénérateur dont l'application demain nous sortira de l'impasse où nous ont conduits l'intérêt, la paresse et la corruption des dirigeants d'hier.
Aussi, encore une fois, nous lançons un appel à nos compatriotes qui imaginent, voient, rêvent une société plus juste, et nous consulterons les collectifs, les groupes, les associations qui depuis longtemps militent et luttent à la faveur du monde qui vient. Au milieu de ce chaos il reste de l'espoir, et nous nous donnons pour mission d'œuvrer à sa préservation, au développement de ses expressions et, le moment venu, à son triomphe.
Une élection au temps du coronavirus
Comme j'écris ce billet, je suis sorti enfin d'une quarantaine de dix jours, alors même que nos concitoyens ont reçu cette semaine leur matériel de vote. Et je ne veux pas mentir, cette situation est assez décourageante : le Conseil général était depuis le début notre véritable objectif, et il nous est impossible de faire campagne de manière satisfaisante…
Comme j'écris ce billet, je suis sorti enfin d'une quarantaine de dix jours, alors même que nos concitoyens ont reçu cette semaine leur matériel de vote. Et je ne veux pas mentir, cette situation est assez décourageante : le Conseil général était depuis le début notre véritable objectif, et il nous est impossible de faire campagne de manière satisfaisante… mais si vous le permettez revenons un peu en arrière, parlons de la genèse de notre démarche.
Nous étions quelques radicaux de cœur à nous retrouver par hasard à militer pour une alternative politique au sein de structures composites : Appel Citoyen au moment de l'élection constituante, les listes ouvertes du Centre-Gauche PCS au moment des élections fédérales. Dépités de longtemps face aux reniements du PLR, nous avons décidé que dorénavant nous nous présenterions sous notre propre bannière afin de redonner voix aux radicaux humanistes, héritiers de l'idéal émancipateur qu'avait si souvent pu incarner le PRD. Restait à savoir quand nous lancer, et les élections communales semblaient toutes désignées ; en particulier, la bataille pour Martigny pouvait devenir un symbole, qui depuis deux cents ans passe pour un bastion du progrès en terre conservatrice et où la proposition d'une autre forme de gouvernance, plus démocratique et sociale, nous semblait pouvoir trouver un accueil favorable.
Prévu pour le mois d'avril, le lancement de notre plate-forme a été différé par la première vague de coronavirus : l'urgence sanitaire paraissait devoir primer sur nos revendications. Nous nous sommes concentrés chacun sur d'autres choses qui nous tenaient à cœur (pour moi j'écrivais alors un roman) et jusqu'au mois d'août encore nous sommes restés dans l'expectative, convaincus que les élections, qui allaient coïncider avec la deuxième vague, se verraient repoussées — les votations fédérales de mai l'avaient par exemple été au motif de l'impossibilité de mener campagne convenablement. Car la deuxième vague était prévisible, pour cause elle était même prévue ! Seulement, puisque l'État décidait de maintenir son calendrier, nous nous y sommes pliés, et nous avons commencé de rassembler nos forces.
Ç'a été la course, en vérité. Tandis que nous cherchions des partisans et volontaires pour se présenter au Conseil général, une liste a été déposée pour le Conseil communal où nous avons convenu que je serais le seul candidat. Aucune annonce de notre part n'a précédé la validation de cette liste ; notre site ne serait lancé que quelques jours ensuite. Comme nous nous en sommes expliqués, la raison en était que nous voulions pouvoir être représentés lors des traditionnels débats… lesquels ne se sont finalement pas tenus.
Au lieu de ça, nous avons vu les journalistes, dans des formats de circonstance, tendre le micro aux présidents de commune, de véritables tribunes où ils étaient invités à vanter leur bilan, et avec pour seul contradicteur un membre de l'exécutif d'un autre parti (tenu par le principe de collégialité). À Martigny par exemple notre démarche n'a même pas été mentionnée, et la seule allusion qui y a été faite a permis à madame Anne-Laure Couchepin Vouilloz de disqualifier notre liste en l'assimilant à une division de l'Alliance de Gauche. Nous sommes finalement apparus brièvement à la télévision le temps d'un entretien de moins de deux minutes pour présenter nos ambitions… cinq heures après la fermeture des bureaux de vote pour l'élection du Conseil municipal.
La presse écrite n'a pas été moins maladroite : chaque semaine notre très chère présidente y apparaissait avec un casque de chantier et une pelle en train de présenter de grands projets initiés pourtant depuis plusieurs années. Un article intitulé « Les objectifs des indépendants », dont un quart nous était consacré, aurait bien pu s'appeler « Ce que les présidents de commune pensent des listes alternatives », puisqu'encore une fois la parole leur était donnée à part égale avec nous pour faire encore une fois eux-mêmes l'éloge de leur action.
J'ai conscience que c'est d'abord par responsabilité que les médias ont renoncé à animer la campagne selon les codes habituels ; c'est moins après eux que j'en ai qu'après les autorités cantonales d'avoir maintenu les élections malgré les conditions problématiques dans lesquelles elles auraient à se dérouler.
Certes, notre campagne aurait été difficile même en situation normale, du fait que nous n'avons de loin pas des moyens comparables aux partis en place : mais nous avons travaillé avec d'autant plus de ferveur, et nous avons mis d'autant plus de cœur à l'ouvrage que nous avions conscience de ces désavantages. Nous avons constitué une liste pour le Conseil général dont je suis extrêmement fier, et je ne crains qu'une chose : c'est que les circonstances, par lesquelles notre impact dans le débat public est limité, nous péjorent électoralement, et empêchent à nos idées de trouver une audience demain au Conseil général.
Si vous trouvez nos positions pertinentes et que vous pensez que nous serions utiles dans la gestion de la commune, alors aidez-nous : votez et faites voter la liste 5. Nous avons besoin de vous.
Des libéraux et des radicaux
Lors d'un débat hier avec Philippe Bender sur le radicalisme des origines, j'ai été grandement surpris d'apprendre que mon opposant niait la distinction historique des radicaux avec les libéraux ; elle me paraît pourtant très claire, et si la question vous intéresse laissez-moi vous partager quelques éléments à ce sujet.
Lors d'un débat hier avec Philippe Bender sur le radicalisme des origines, j'ai été grandement surpris d'apprendre que mon opposant niait la distinction historique des radicaux avec les libéraux ; elle me paraît pourtant très claire, et si la question vous intéresse laissez-moi vous partager quelques éléments à ce sujet.
Dès 1830, au lendemain de la révolution de Juillet à Paris, l'Europe entière est traversée par un regain d'espoir pour les partisans de la révolution. En Suisse, plusieurs cantons se divisent en guerres civiles (c’est à cette époque Bâle-Ville et Bâle-Campagne se séparent en demi-cantons).
En Valais, des braves acquis aux idées nouvelles croient voir dans ces troubles l'occasion d'en finir une bonne fois pour toutes avec les privilèges ; intrigant encore dans des groupuscules et sociétés secrètes, ils plantent en 1831 un arbre de la liberté sur le Pré-de-Foire à Martigny-Bourg pour s'opposer à une loi sur l'organisation des conseils communaux qui consacre les majoritaires et renforce les familles oligarchiques — le mouvement s'étend à l'ensemble du Bas-Valais avant que l'arrivée de l'armée cantonale n'y mette fin. Les notables libéraux iront jusqu'à prétendre que les instigateurs de l'insurrection sont des conservateurs (le radicalisme alors n’a pas encore de nom) ; on trouve pourtant parmi ceux-là les frères Gross, qui quelques années plus tard seront membres fondateurs de la Jeune Suisse.
Et précisément le mouvement radical finit par se confondre avec la société de la Jeune Suisse, qui comptera à son apogée au moins mille deux cents membres, les quelques radicaux qui nient en faire partie (comme Maurice-Eugène Filliez) ne manquent d'ailleurs pas de souligner dans leurs écrits que, sans avoir adhéré officiellement à l'association, ils en partagent la devise (« La vertu c'est l'action. ») et les principes (Liberté, Égalité, Humanité). En 1842, l'évêque prétend excommunier les membres, et en 1844 l'association est dissoute par décret du gouvernement contre-révolutionnaire.
Cependant les divergences entre libéraux modérés et radicaux sont très marquées depuis 1839 : dès la première Constituante (où les représentants du Haut-Valais refusent de siéger), on voit les deux groupes s’opposer sur la plupart des sujets d'importance : liberté de la presse, élection directe, instruction publique… et les libéraux font échouer une série de réformes majeures, prétendant ne pas prendre part à une guerre entre deux opinions extrêmes.
« Aux personnes qui voient en Valais deux opinions, nous leur demanderons si l'égalité des droits est une affaire d'opinion, si la nécessité d'une amélioration considérable dans l'administration du pays est une affaire d'opinion, si la conduite ténébreuse que tient le Haut-Valais peut être justifiée par aucune opinion ? »
Alphonse Morand, dans l’Écho des Alpes (4 juillet 1839)
Durant les années qui suivent, les libéraux prennent tantôt parti pour les radicaux et tantôt pour les conservateurs. S'érigeant en arbitres politiques, ils arborent avec fierté le nom de « justes-milieux » que les radicaux leur donnaient jusqu’alors de manière péjorative. Leur organisation autonome devient évidente avec la création de leur propre journal, le Courrier du Valais, qui lutte selon ses termes contre les « organes des partis extrêmes », à savoir l'Écho des Alpes pour les radicaux et la Gazette du Simplon pour les conservateurs. La ligne anti-radicale est assumée.
« À quoi bon chercher à implanter chez nous les doctrines radicales ? Le sol valaisan ne les comporte pas. Le moindre tort de ces doctrines est de n'avoir aucune chance de sortir de l'état d'utopie, un plus grand consiste à jeter, au sein de populations crédules et peu éclairées, des inquiétudes que les ennemis infatigables de nos libertés exploitent à leur profit, en semant la méfiance, les dissensions, les haines entre des citoyens jusque-là confondus dans l'unité de vues et de sentiments. »
Joseph Rion, dans le Courrier du Valais (11 février 1843)
Contester les privilèges des notaires, c'est semer la méfiance, les dissensions, les haines… il faut dire que la lutte contre la corruption inquiète déjà les libéraux de l'époque ; en 1836, un an après la fondation de la Jeune Suisse, Louis Gard relève : « Nos notaires veulent détruire les privilèges des moines et nos moines ceux des notaires. Le seul citoyen César Gross, peut-être, veut extirper le mal dans sa racine. »
Car le radicalisme, c'est ça : « radix » la racine, à la racine. Agir, changer la société en profondeur, pas se targuer de grands mots pour justifier des situations inacceptables.
« Mais la plupart de nos bourgeois à prétentions libérales ne connaissent d'autre liberté que celle d'exploiter le pauvre, l'habitant et l'industriel. »
Louis Gard, dans l’Helvétie (14 juin 1833)
Dans la défense de leurs privilèges respectifs, les libéraux et les conservateurs s'entendent le plus souvent entre eux, et tous les progrès que les radicaux tentent d'instaurer au parlement sont arrêtés par cette étrange alliance, qui est plus constante que celle des libéraux avec les radicaux.
Ainsi trois journaux représentent trois forces politiques, lesquelles deviennent si manifestes qu'elles reçoivent chacune un nom en patois : les conservateurs sont les « ristous » (pour aristocrates), les libéraux les « mitous » (pour justes-mileux) et les radicaux les « grippious » (allez savoir pour quoi).
Il peut naturellement y avoir confusion sur les armes : les libéraux (modérés) de l’époque se désignent le plus souvent eux-mêmes comme « justes-milieux » et appellent « extrémistes » les radicaux ; les (libéraux) radicaux se désignent comme « radicaux » ou même simplement « libéraux » — les termes patois sont finalement les moins ambigus.
En 1844 pourtant, alors que la deuxième guerre civile est sur le point d'éclater, l’inclassable Maurice Barman (ancien président du gouvernement et commandant en chef des forces du Bas-Valais en 1840) reforme le Comité de Martigny, espérant agréger les militants progressistes dans un parti libéral unifié. Problème, son propre frère Joseph-Hyacinthe Barman (chef des modérés) et son ami Alexis Joris (chef des radicaux) refusent de siéger ensemble.
À l'heure où des conspirateurs ouvrent les portes de Sion aux armées réactionnaires du général Guillaume de Kalbermatten, les patriotes républicains sont donc divisés : les députés libéraux regagnent leurs foyers, tandis que les radicaux tentent de rassembler des volontaires pour faire face à l'agression du Haut-Valais — un échec sanglant, qui aboutit au massacre du Trient.
Sous le régime contre-révolutionnaire qui prend place (gendarmerie politique, censure de la presse, interdiction des associations…) les radicaux sont emprisonnés et privés de leurs droits ; la plupart d’entre eux préfère prendre le chemin de l’exil, tandis que les libéraux continuent dans leur majorité de siéger au parlement.
Quand le Sonderbund tombe trois ans plus tard et que le Valais est contraint de capituler, les vaincus reviennent au pays, et une grande assemblée populaire réunie sur la Planta adopte le 2 décembre 1847 dix-sept mesures d'urgence (proposées pour la plupart par Alexis Joris), parmi lesquelles la réquisition des biens du clergé ou encore la séparation du canton en deux. À la tête du gouvernement provisoire, on nomme Maurice Barman qui, opposé à la séparation, s’appuie sur les modérés pour conserver la majorité, et cherche à fonder un parti national unique — les radicaux sont écartés du pouvoir.
« Si le canton du Valais, si ce peuple qui a accueilli avec joie les troupes fédérales doit être encore Barmané, oh alors il ne valait pas la peine de mettre tant de troupes sur pied ; il ne fallait pas laisser ce pays dans la souffrance pour de si longs temps pour un aussi mince résultat. J'ai toujours dit à MM. Dufour, Joris, etc. qu'ils avaient tort d'élever sur le parvis un homme d'une aussi complète nullité que M. Barman qui n'a d'autre mérite que de savoir coudre quelques phrases plus ou moins sonores, mais parfaitement vides de sens. »
Louis Blanchenay, lettre à Henri Delarageaz (4 décembre 1847)
Malgré quelques succès, la stratégie de Maurice Barman ne sera finalement pas très heureuse : en dépit de ses nombreuses manipulations électorales, il finit par être renvoyé par le peuple après moins de dix ans, et les conservateurs retrouvent la majorité qu'ils n'ont pas perdue à ce jour (passé siècle et demi plus tard).
Avec le retour au statut de minoritaire, la tendance radicale recommence alors de de se manifester et finit même par l'emporter au sein du parti unifié — l'âge d'or du radicalisme est passé, mais ses valeurs démocratiques et sociales ont alors de beaux jours devant elles. Quant aux libéraux modérés, ils se font plus discrets, dispersés entre le parti conservateur et le parti radical, à part dans quelques localités — ils tentent quelquefois de se reformer en formation politique autonome au cours du siècle suivant ; avec la récente fusion du parti radical avec le parti libéral, et l'alignement sur la position suisse, les libéraux ont pris une revanche inattendue : ils sont devenus les chefs du vieux parti.
« Le calme qui règne en notre pays, les progrès de la mitoulerie fédérale et cantonale m'effraient. »
Casimir Dufour, lettre à Henri Delarageaz (30 mars 1848)
Eh ! puisque vous êtes là, pourquoi ne pas en profiter pour :
Histoires de familles ?
Puisqu'il semble que ces temps le sujet passionne quelques citoyens (c'est après tout en effet un sujet passionnant), je me suis dit qu'il n'était peut-être pas inutile de faire un petit survol de quelques familles de Martigny et leur histoire politique.
Puisqu'il semble que ces temps le sujet passionne quelques citoyens (c'est après tout en effet un sujet passionnant), je me suis dit qu'il n'était peut-être pas inutile de faire un petit survol de quelques familles de Martigny et leur histoire politique.
Comme dans de nombreuses communes en Valais, la politique de Martigny a été marquée par l'implication d'un certain nombre de familles devenues relativement fameuses. À la différence de la plupart des autres communes cependant, à Martigny — carrefour international en Valais, cité d'accueil et de métissage par excellence — il s'est agi souvent de familles récemment immigrées, en voici quelques-unes dont un membre est candidat aux élections ces jours :
LES MORAND
Savoyards arrivés à la fin du XVIIIème siècle, les Morand prennent les rênes de Martigny après la Révolution valaisanne de 1798 : la chute de l'Ancien Régime et la période qui s'ensuit (en moins de vingt ans cinq régimes se succèdent en Valais) est une échelle pour cette famille ambitieuse qui accumule les fonctions d'aubergistes et maîtres des postes.
Leur premier président, Philippe Morand, libéral entreprend les premiers grands chantiers de la commune (à l'époque la plus peuplée du canton) : au lendemain de la débâcle du Giétroz il rachète l'imposant verger ruiné des Kalbermatten et fait adopter par le Conseil communal un plan extrêmement strict destiné aux potentiels acheteurs — la « Grande Place » (aujourd'hui la Place Centrale) doit devenir la première véritable place moderne du pays, mais l'argent manque et douze ans plus tard quatre maisons à peine y ont été construites ; aucune autre n'est prévue et il faudra attendre plusieurs décennies pour que la Place se remplisse.
Contesté par le mouvement radical naissant dans les années 1830, Philippe Morand, pour maintenir son influence, doit se résigner à demander la scission du Grand Martigny et fait ériger la Ville en commune indépendante, initiant le morcellement progressif de la cité : le Bourg suit, puis la Combe, la Bâtiaz, Charrat, Trient…
Philippe Morand sera président du district, puis Conseiller d'État. Sa fille Eugénie épousera Maurice Barman, et son fils Alphonse, Jeune Suisse, se fera connaître comme rédacteur de l'Écho des Alpes (le premier journal du Valais, d'obédience radicale).
C'est pourtant du côté de ses neveux et petits-neveux qu'il faut chercher ses successeurs : Valentin, puis ses enfants Joseph et Charles, et ainsi de suite jusqu'à Marc dont le règne s'étendra de 1921 à 1960 sans discontinuer. Édouard, son successeur, est quant à lui descendant en ligne directe de Philippe (laquelle ligne n'avait plus compté aucun président en passé un siècle) — autant dire que sa candidature en 1956 est perçue comme contestataire et durement combattue par le clan de ses lointains cousins. Après son élection en 1960, il passera seize ans à la présidence de Martigny.
Les Morand ont perdu depuis leur ascendant sur la commune, et sans la candidature inattendue de Guillaume « Toto » Morand (le neveu d'Édouard) au Conseil bourgeoisial on ne les aurait certainement plus vus briguer un mandat.
LES COUCHEPIN
En 1831, l'insurrection des arbres de la liberté, surgie du Bourg, s'étend en quelques jours à la plupart des communes du Bas-Valais et le Conseil communal de Martigny démissionne sous la pression populaire. Un nouveau président est élu : c'est Pierre-Joseph Saudan, l'un des chefs du soulèvement. Il est pourtant arrêté par le gouvernement cantonal, emprisonné et privé de ses droits politiques pendant cinq ans — là-dessus un homme est désigné pour le remplacer : c'est le notaire Joseph-Gaspard Couchepin (les Couchepin seront presque tous avocats-notaires).
Alsaciens parvenus en Valais quelques décennies plus tôt, les Couchepin sont bourgeois de Martigny dès 1817 ; ils sont essentiellement actifs au niveau cantonal. Leur retour sur le devant de la scène communale s'effectue avec Pascal, qui a été président de 1985 à 1998 (date de son élection au Conseil fédéral).
Sa fille Anne-Laure est élue conseillère communale en 2008 et présidente en 2016 — elle est aujourd'hui candidate à sa réélection.
LES MARTINETTI
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, le Piémontais Joseph Martinetti arrive en Valais encore adolescent — sa famille devient bourgeoise de Martigny-Combe en 1928. Quelques décennies plus tard, elle s'illustre dans le sport, en lutte libre et lutte gréco-romaine, puis avec une entreprise de tentes.
Ensuite de la nomination de Pascal Couchepin au Conseil fédéral en 1998, Raphaël Martinetti (dit Raphy), alors conseiller communal depuis dix ans, veut se présenter à la présidence de Martigny — opposé à Pierre Crittin lors d'une primaire du parti au CERM, il doit céder la place avec 230 voix contre 806.
Son fils David, lui-même lutteur et désormais administrateur de l'entreprise familiale, est élu conseiller communal en 2008, et vice-président en 2016.
Quant à moi, il paraît aussi que je vienne d'une famille qui a quelque célébrité (quoiqu'elle me paraisse autrement modeste), et comme il en est beaucoup question ces temps je me permets de l'ajouter à la liste :
LES CONFORTI
Arrivés au début du XXème siècle, les Conforti sont d'abord connus pour leur entreprise de construction. Leur implication dans la vie politique locale commence avec la deuxième génération : Roland, qui a épousé Monique Joris (l'arrière-petite-fille du commandant Alexis Joris), est élu au Conseil communal de la Ville où il siège de 1961 à 1968. Sa belle-fille, Monique (née Besse, épouse d'Alain), a quant à elle été conseillère communale de 1985 à 1996 (ainsi que la dernière directrice de l'entreprise familiale) et César enfin, mon père, a été conseiller communal de 2000 à 2008 — il s'est présenté pour un troisième mandat, mais n'a pas été réélu.
Je ne vais pas mentir à mes lecteurs ; c'est cette non-réélection de mon père qui fait croire à d'aucuns que ma candidature au Conseil communal est une tentative de « revanche des Conforti » ! et c'est cette amusante rumeur qui motive l'écriture de ce petit billet. Or si la chose est romanesque elle est bien éloignée de la réalité, je vous dirai ce qu'il en est : bien que notre objectif principal soit le Conseil général, notre formation politique naissante a jugé qu'il était bon que nous présentions au moins un candidat à l'élection municipale afin de pouvoir apparaître dans les médias en cas de débats contradictoires (qui finalement n'auront pas lieu selon toute vraisemblance) ; j'ai ainsi consenti à me présenter parce que j'ai quelque facilité dans cet exercice, en plus d'une bonne connaissance historique de notre mouvement politique.
Pour ce qui est de l'échec de mon père, je n'avais que quinze ans alors et cet épisode m'est assez indifférent à titre personnel. À titre politique j'observe en revanche que l'élection de 2008 (la première depuis la fusion avec le parti libéral) a vu non seulement l'élimination de mon père (représentant du radicalisme historique), mais aussi d'une autre élue sortante, Dominique Delaloye (représentante du radicalisme social)… et depuis partout la ligne libérale est triomphante, alors que nous tentons précisément, nous autres Nouveaux Radicaux, à notre échelle, de relever les tendances étouffées par le parti.
À la fin, c'est donc peut-être en effet une revanche, quoique non celle d'une famille — celle d'un courant politique, le radicalisme qui après douze ans se refuse à servir encore de marchepied et de caution au prétendu libéralisme, ce radicalisme qui retrouve ses idéaux intemporels, lesquels en ont fait entre tous en Valais le mouvement humaniste et républicain :
LIBERTÉ — ÉGALITÉ — HUMANITÉ
Faire notre part
Nous sommes prêts !
Victoire !
Notre site est en ligne, nos pages sur les réseaux sociaux aussi, et voici j'ai la chance d'inaugurer ce blog.
Ces dernières semaines ont été pleines d'incertitudes ; nous ne doutions pas de nos convictions, ni du bien-fondé de notre démarche, mais de notre capacité à la mener jusqu'au bout — la lumière est faite : nous sommes prêts !
Forts d'abord d'un soutien parmi la jeunesse, nous avons été et sommes encore chaque jour frappés par les encouragements et félicitations que nous recevons de militantes et militants de l'ancien Parti radical-démocratique : rien ne pouvait nous toucher davantage — les radicaux historiques sont donc toujours debout ! et s'ils entendent notre appel assurément nous serons en mesure avant longtemps de renverser la table.
Avec les élections communales de Martigny, c'est un pari audacieux que nous prenons : elle remonte à 1831, la dernière fois que des radicaux se sont dressés, au nom de la démocratie, contre leurs administrateurs prétendument libéraux ; cet épisode est connu comme l'insurrection des arbres de la liberté (on les plantait sur les places publiques en signe de révolte) — parti du Bourg, au Pré de Foire, le mouvement souleva presque le Bas-Valais entier avant d'être réprimé par l'armée cantonale…
Aux « bourgeois à prétentions libérales » qui « ne connaissent d'autre liberté que celle d'exploiter le pauvre, l'habitant et l'industriel » les radicaux opposaient l'idéal révolutionnaire du progrès. Si cet idéal n'est plus dans les chambres politiques, partout encore il est dans les cœurs.
Et pourtant en cette époque de défis une nouvelle révolution approche : par endroits elle commence déjà. Il s'agit de l'accueillir, de l'accompagner, et enfin de l'accomplir. Si le mot de révolution fait peur, son avènement peut profiter à tous : à l'opprimé libéré de l'oppression, comme au privilégié qui, perdant son privilège, sera ramené au monde, égal à ses concitoyens — partageant le même sort, une destinée commune nous unira et nous tendrons ensemble vers une société plus juste, cette république véritable où chacun trouvera sa place. Telle sera notre ligne, tel notre horizon, et nous n'aurons pas de repos avant de le voir advenir.
Mais les plus grands feux commencent avec de petites brindilles, il faut faire notre part, et nous débutons ici, à Martigny, qui a été le foyer de toutes nos révolutions.
Sur quelques panneaux, on aperçoit nos premières affiches (celles de l'élection au Conseil municipal) : je suis fier de figurer dessus, et je serai plus fier encore de figurer sur celles de l'élection au Conseil général avec les volontaires qui nous ont rejoints et nous rejoignent encore à cette heure.
Rien n'est éternel ; le mur qu'on pensait inébranlable rompt enfin sous l'effort constant du lierre immortel. Demain, avec votre appui, nous pourrons initier la régénération dont notre pays a besoin.
Photo : Palprod.ch